Archéologie des souvenirs d’enfance autour de Sylvain et Sylvette

Genèse du projet
par Daniel Denise

Le mystère Sylvain et Sylvette

En entendant le nom de nos deux héros, c’est magique,
tout le monde déclare en un chœur unanime :
C’est toute mon enfance !
Ces personnages seraient donc à eux seuls
les gardiens de tous nos souvenirs,
restituant à leur seule évocation,
des pans de vie à moitié évanouis !

Pourtant, si nous gardons gravées précieusement
les silhouettes de nos protagonistes,
personne, à de rares exceptions,
n’est à même de raconter leurs aventures en détail.
Il n’en reste qu’une nébuleuse un peu floue
qui se résume en quelques bribes narratives :
deux enfants, sans parents,
habitant au milieu de nulle part et,
tout autour, des animaux sauvages
à l’affût d’un mauvais coup
s’apparentant à un crime.
Cette menace permanente des compères
se relaie de page en page,
d’album en album, ne trouvant jamais
de conclusion pacifique.
Cette rémanence des situations participe
sans doute pour beaucoup à ce sentiment d’inquiétude
que certains lecteurs garderont en eux.
Si nos héros triomphent toujours,
ils ne goûtent jamais à une sécurité pérenne,
car nos compères veillent toujours,
tapis dans l’ombre ou cachés dans le paysage,
l’oeil sans complaisance.

Pour Sylvain et Sylvette
il y a aussi ce trou d’abandon
où nous les avons déposés,
tout occupés que nous étions à grandir.
D’autres héros, plus modernes, prirent la place
et contrairement à Tintin ou Mickey
qui nous suivirent de près ou de loin
dans notre vie adulte,
nous oubliâmes les sabots désuets de nos deux amis
et la forêt peuplée de mille dangers.

Et puis un jour, beaucoup plus tard,
au détour d’une brocante,
d’un étal de bouquiniste,
nos mains feuillètent un album
qui nous semble familier
et aussitôt nous voilà happés
par des souvenirs tentaculaires
et entraînés avec bienveillance
dans un repli de mémoire.

Il faut bien nous rendre à l’évidence,
un jour nous étions des enfants,
même si les nôtres ont bien quelque peine à l’imaginer

Le projet

Ce projet d’archéologie ludique de nos souvenirs d’enfance
pourrait être un joli et facétieux prétexte
pour gratter et interroger ces images
qui nous font et se défont.

Si nous avons chacun fait notre route,
nous avons aussi été nourri, peu ou prou,
des mêmes images de Sylvain et Sylvette,
malgré nos différences de sexe ou de classe sociale.
Comment et en quoi ces personnages
ont ils alimentés et construits
nos structures communes et personnelles ?
Comment aujourd’hui nous pourrions nous retrouver,
toutes générations confondues, devant ces mêmes images,
avec cette émotion et cette curiosité
qui résistent aux explications trop simples.

Aussi avons nous invité des créateurs de tous poils,
artistes, architectes, photographes, peintres, dessinateurs,
humoristiques ou non, musiciens, vidéastes, stylistes,
écrivains, de réaliser une œuvre qui témoignerait
de ce jeu de la mémoire, célébrant des retrouvailles
avec notre propre enfance.

L’exposition

Une exposition réunira toutes les œuvres
à Nancy, à l’horizon 2010.

A cette occasion, le public pourra croiser ses propres souvenirs
avec ceux que les artistes nous témoigneront,
avec, nous le souhaitons, une grande diversité de sensibilités.

Un catalogue serait également édité.

Petit historique succinct de Sylvain et Sylvette.

Création par Maurice Cuvillier en 1941.
A sa mort Claude Dubois lui succède en 1958 (100 albums),
ainsi que Jean Louis Pesch (environ 200 albums)
qui dessine encore des albums à ce jour.

La presse

Est Républicain du 3 janvier 2010